La campagne présidentielle est à présent lancée. Et comme d’habitude, chacun y va de ses promesses. Que ce soit sur les retraites, le pouvoir d’achat, les taxes, le logement, les services publics, les impôts, etc., nos candidats ont des solutions. Avec eux aux manettes, les pauvres seront moins pauvres, les riches moins riches, les profs mieux payés, les chômeurs moins nombreux, les patrons plus conciliants, les trains seront à l’heure et la vie sera plus belle…
Mais l’histoire hélas nous apprend qu’une fois arrivés au pouvoir, rien ne se passe comme prévu. Des avancées sociales, il y en a bien et parfois même dans le sens que l’on souhaitait, mais jamais elles ne sont à la hauteur de ce que l’on espérait. Et sans remonter à Mathusalem, voyez ce qu’il advenu en 1981 avec Mitterrand, en 1995 avec Chirac, en 2007 avec Sarkozy, en 2012 avec Hollande. Ils voulaient « changer la vie », « réduire la fracture sociale », mieux répartir les richesses (« mon ennemi, c’est la finance » affirmait l’un d’eux)… ça n’a pas marché ou tout au moins pas aussi bien qu’eux-mêmes l’eussent souhaité.
Que s’est-il passé ? Pourquoi tant d’espoirs déçus et de désillusions ? Parce que nos candidats ont une fâcheuse tendance à nous faire croire que tout ce qui serait souhaitable pour le bien-être de nos compatriotes est possiblement réalisable. Tout n’est qu’une question de volonté politique assurent-ils. Sauf qu’ils sous-estiment soit par calcul soit par ignorance, la complexité du monde, autrement dit les obstacles de toute nature auxquels ils devront faire face une fois les portes du pouvoir franchies. Et parmi ces obstacles, on le sait bien, il y a les lourdeurs administratives, le contexte international et les accords, souvent par centaine, qui nous lient à l’Europe et aux autres États de la planète.
Sans parler de la question, délicate entre toute, celle de notre structurel déficit budgétaire. Comment vouloir, comme certains le proclament avec assurance, augmenter le Smic, revenir à la retraite à 60 ans, passer à la semaine de 32 heures, diminuer la facture énergétique, améliorer les services publics (hôpitaux, transports, prisons, écoles, police, pompiers…), et cela bien sûr sans augmenter les impôts ?
Mais avec quel argent ?
Rien de plus simple affirment-ils. L’argent, il suffit d’aller le chercher là où il se trouve : chez ces grands patrons qui s’en foutent plein les poches, tous ces capitalistes et autres spéculateurs du Cac 40, ces fraudeurs du fisc qui cachent leur magot en Suisse ou au Luxembourg… Plusieurs dizaines de milliards en effet ! Sauf que si des progrès ont été faits ces dernières années pour coincer quelques-uns de ces arnaqueurs de haut vol, force est de reconnaître que ce n’est pas simple et qu’il serait bien illusoire de compter sur le recouvrement de cet argent volé ou dissimulé pour renflouer les caisses de l’État.
Et la dette ? Vous y pensez à la dette ? Presque 3000 milliards d’euros, ce n’est pas rien ! Il faudra bien se mettre à la rembourser. Que nenni disent-ils ! La dette, on peut l’effacer au moins en partie, on ne doit pas en tenir compte ! Faisons comme si elle n’existait pas. Ben voyons !
Pour d’autres, à l’origine de notre faramineux endettement, il y a le laisser-aller, la gabegie, l’argent mal réparti, les dépenses inutiles, ces dizaines de niches fiscales … Ce qui n’est évidemment pas faux. Le remède ? Dégraisser l’État. Ah la belle idée ! Et comment dégraisser l’État ? En s’attaquant à la bureaucratie, au millefeuille administratif… et en premier lieu, en réduisant drastiquement le nombre de fonctionnaires. Le nombre de fonctionnaires ! Le sujet revient à chaque fois sur le tapis. Et de combien s’il vous plaît ? De 150 voire 200000 disent certains. Et dans quels secteurs s’il vous plaît ? Question embarrassante et réponse embarrassée surtout quand ces mêmes candidats désirent voir augmenter le nombre de policiers, de professeurs, d’infirmières et de gardiens de prisons… Passons !
Et puis, il y a ceux pour qui tous nos malheurs, y compris celui de notre déficit budgétaire, viennent des autres. Les autres, ce sont les étrangers, ces migrants qui de partout et par milliers s’implantent indûment sur notre sol en profitant de notre généreux système de protection sociale. Des étrangers qui nous coûtent les yeux de la tête ! Leurs solutions ? On les connaît : fermer nos frontières, arrêter le flux migratoire, renvoyer les illégaux, rester entre nous…. Et on pourrait ainsi récupérer des dizaines de milliards qu’on redistribuerait aux Français. Pas bien joué ça ?
Mais outre la façon quelque peu cavalière (pour ne pas dire plus) de régler le sort de ces malheureux le plus souvent poussés à l’exil, il y a le fait que ces étrangers une fois installés, loin d’être des pique-assiettes vivant à nos crochets, exercent bien souvent un job que nos compatriotes ne veulent pas faire, qu’ils payent leurs impôts comme tout bon citoyen et contribuent ainsi à enrichir notre pays …Ici comme ailleurs, il y a loin de la coupe aux lèvres !
Enfin, il y a les candidats pour qui le sujet central, celui autour duquel s’organise tout leur programme, tourne autour du changement climatique et de la sauvegarde de l’environnement. Ce qu’ils veulent, c’est ni plus ni moins que revoir l’ensemble de la gouvernance de l’État : moins de dépenses et plus de sobriété dans tous les domaines, instaurer un autre mode de vie basé sur la chasse aux gaspis, le recyclage, les circuits courts. Produire moins et consommer mieux afin de nous réconcilier avec la nature et ainsi par des mesures concrètes nous mener sur la voie d’un monde plus solidaire, plus humain, plus fraternel.
Tout cela est très louable et parfaitement compréhensible par nos concitoyens. Sauf qu’une telle transformation, qui implique un changement profond de nos comportements et de nos mentalités productivistes et consuméristes, ne peut s’inscrire qu’en toile de fond de nos préoccupations immédiates (pouvoir d’achat, retraite, logement, transports, vacances…) et dans le cadre de réformes progressives, acceptables et acceptées par la majorité de nos concitoyens. Même s’il y a urgence en la matière, dans ce domaine comme tant d’autres mais surtout dans celui-ci, il y a lieu de faire preuve de pédagogie, de trouver le bon rythme, de ne pas forcer l’allure, de ne pas brutaliser les consciences au risque de se mettre tout le monde à dos.
Tout cela pour dire, qu’il faut se méfier des beaux parleurs, des discoureurs qui nous promettent monts et merveilles. Qu’ils veuillent nous faire rêver ? Pourquoi pas mais pas trop. Pas au point de nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! Même en politique, il faut savoir raison garder !